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Photo du rédacteurJean Noël Bruère

Réévaluer la parabole du colibri : Au-delà des gouttes d’eau



De temps en temps, pour bien vous culpabiliser de vivre votre vie avec insouciance, on vous brandit la parabole du colibri.


Le courageux petit oiseau affronte avec quelques gouttes d’eau dans son bec l’immense incendie ravageant la forêt, passant et repassant devant vous, affalé dans votre transat à attendre l’arrivée des pompiers.


Vous devriez avoir honte, n’est-ce pas ?


Oh oui !


Maintenant, assez gémi, je vous propose ici d’arrêter de battre ainsi votre coulpe et de voir de plus près avec moi les aspects pernicieux de cette histoire.  


Elle est souvent utilisée pour illustrer l'idée d'un engagement individuel à petite échelle pour répondre à des enjeux globaux.


Mais même très séduisante au premier abord, elle véhicule pas moins de cinq biais et effets pervers.


Les voici :


1. Une vision individualiste de l'engagement


L'un de ses aspects les plus problématiques est sa focalisation exclusive sur l'engagement individuel.


Selon elle, si chacun faisait sa part, les problèmes globaux pourraient être résolus.


C’est là une vision d'une transformation sociétale s’opérant sans conflit, sans désigner de responsables  ou d’adversaires.


L'importance des actions collectives et institutionnelles nécessaires pour conduire à des changements structurels d’envergure est ainsi largement minimisée.


2. La culpabilisation des individus


En insistant sur la responsabilité individuelle, la pensée « colibri » peut engendrer un sentiment de culpabilité chez tous ceux portant une vision différente.


Elle ignore en outre les inégalités sociales déterminant la capacité des personnes à agir.


Tout le monde n'a pas les mêmes moyens financiers, matériels ou psychologiques pour effectuer des gestes écologiques ou sociaux.


Ainsi, la pensée colibri tend à rendre invisibles les rapports de domination sociale, d’origine ou de genre structurant la société.


3. Le manque d'analyse systémique


Avec sa tendance à se focaliser sur la construction positive plutôt que sur la déconstruction critique, elle souffre d'un manque d'analyse des causes profondes des problèmes sociétaux et environnementaux.


En refusant de chercher des responsabilités ou de questionner les mécanismes systémiques à l’origine des crises, elle peut  être perçue comme naïve et contre-productive.


Un changement véritable nécessite bel et bien une compréhension et une confrontation des structures de pouvoir en place.


4. Le mythe de l’innocuité des petits gestes 


Certains le soulignent : faire sa part, comme le colibri le prétend, relève plus d’une posture morale que d’une véritable action efficace.


Le minuscule oiseau, en agissant sans impact réel, symbolise l'illusion d'un engagement vertueux indifférent aux causes réelles des problèmes.


Des actions plus radicales, déterminées et plus risquées sont pourtant souvent nécessaires pour provoquer un changement substantiel et durable.


La parabole fait silence sur ce point.


5. La fin de l’histoire : une critique de l’égotisme


La fin rarement est racontée.


Le colibri, épuisé par ses efforts, meurt avec un ego aussi monumental que l’incendie qu’il prétendait combattre, et la forêt brûle entièrement.



 


Moralité : l'action dérisoire et ostentatoire du colibri, même motivée par les meilleures intentions, ne suffira pas à résoudre les problèmes systémiques menaçant de détruire l’environnement, le sien et le nôtre.


Alors, vous sentez-vous maintenant moins coupable en entendant la sirène des pompiers ?



Auteur : Jean-Noël BRUERE

Droits réservés : COACH REUNION CONSULTING 2024 ®

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